[Exclu Cyberguerre] Par un curieux enchaînement des circonstances, le produit du rocambolesque casse de la plateforme de cryptomonnaie Gatehub pourrait au final d’abord enrichir l’Etat français. Explications.

L’affaire Gatehub n’en finit de livrer de nouveaux rebondissements. Le plus gros cybercasse suivi par la justice française est en effet à l’origine d’une première dans le petit monde des ventes judiciaires. Pour la première fois en France, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) va mettre en vente aux enchères, le 17 mars, 611 bitcoins. Soit au cours actuel, très fluctuant, de la monnaie numérique, plus de 24 millions d’euros.

Si l’Agrasc n’a pas précisé au Figaro, qui a relayé l’annonce de la vente, l’origine des bitcoins saisis, ces derniers, selon les informations de Numerama, confirmée de source proche du dossier, sont liés dans leur presque quasi-totalité à l’affaire Gatehub. En effet, hormis un bitcoin saisi dans le cadre d’une confiscation devant une juridiction du sud de la France, le solde restant, 610, correspond en effet au nombre de bitcoins saisis par la justice française dans cette affaire.

Les 610 bitcoins volés

En juin 2019, Gatehub, une plateforme installée en plein cœur de Londres, avait été ciblée par un incroyable hack. La société d’investigations XRP Forensics estimera le préjudice du cyberhack à la somme rondelette de 25 millions d’XRP (Ripple), une crypto-monnaie, soit alors environ 9,5 millions d’euros, pour plus de 200 victimes recensées. Quelques mois plus tard, un hacker français, Gabriel B., confessait — à tort ou à raison — son implication dans le hack dans un long post sur le forum XRPchat. Un piratage qui aurait permis aux différents mis en cause d’acheter des bitcoins ou encore des voitures de luxe.

Depuis ces premières confessions, la justice française n’est pas restée inactive. Selon nos informations, les enquêteurs, dans cette affaire suivie par le juge d’instruction Pascal Latournald, ont saisi plus de 189 bitcoins détenus par Gabriel, un jeune homme originaire de Tarbes déclaré irresponsable pénalement dans une précédente affaire judiciaire. La police a saisi également 90 bitcoins détenus par son ami Prosox, lui aussi mis en cause dans le dossier. Enfin, deux proches de ces suspects ont restitué à la justice 260 bitcoins pour l’un, 69 bitcoins pour le deuxième.

Soit un total de 610 bitcoins saisis durant l’automne 2019, aux débuts de l’enquête. Cette dernière a abouti, selon nos informations, à plusieurs mises en examen, étalées entre novembre 2019 et septembre 2020. Gabriel et Prosox sont ainsi suspectés d’avoir piraté la plateforme, tandis que trois autres mis en cause sont poursuivis pour le blanchiment.

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L’information judiciaire étant toujours en cours, ces bitcoins sont toujours la propriété des suspects de l’affaire. Si la vente, alors que le dossier judiciaire n’est pas bouclé, peut surprendre, il s’explique vraisemblablement par le très haut cours actuel de la cryptomonnaie. « Après une saisie, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction peut décider de la vente dans la mesure où la valeur des biens pourrait diminuer », explique à Cyberguerre l’avocat Renaud Alméras, spécialiste du contentieux des avoirs criminels.

Une fois les enchères terminées, le 17 mars, « le produit de la vente sera consigné et transféré sur un compte de la Caisse des dépôts et des consignations », poursuit Renaud Alméras, dans l’attente de la conclusion judiciaire de l’affaire. Ce n’est qu’une fois l’affaire jugée — par le tribunal correctionnel ou la cour d’appel — que l’on saura qui pourra toucher le pactole annoncé des bitcoins.

En cas de non lieu ou de relaxe des mis en cause, ce sont ces derniers qui récupéreront le produit de la vente aux enchères. S’ils sont déclarés au contraire coupables, la somme pourra alors être transférée à l’État. « Les parties civiles qui auraient obtenu des dommages et intérêts pourraient alors demander à être réglées sur le produit de cette vente », précise enfin Me Renaud Alméras.

Un cas de figure qui pourrait faire les affaires de l’État si le montant des dommages et intérêts était fixé sur la base de la valeur des biens au moment des faits. Si le cours du Ripple est en effet resté relativement stable depuis l’automne 2018, la valeur du bitcoin a explosé. Une envolée qui pourrait donc in fine faire le bonheur des argentiers de Bercy.


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