Barclays a testé un logiciel de surveillance individualisé sur une division d’employés de sa banque d’investissement. Vendu comme logiciel d’aide à la productivité par ses développeurs, il donne des conseils aux employés, comme « éviter les pauses ».

Vous quittez vos bureaux pour la petite commission ? Le logiciel de surveillance le prendra en compte. Le 19 février 2020, le journal britannique City A.M. a révélé que la banque Barclays testait un logiciel de surveillance en temps réel sur les ordinateurs de certains employés de son siège social à Londres. Le programme traque et évalue l’implication au travail des employés, et envoie une notification aux managers s’ils ne sont pas assez investis, selon des critères préétablis.

Et ce n’est pas tout ! Le logiciel donne également des conseils aux employés comme « éviter les pauses », et enregistre les passages aux toilettes comme « activité introuvable », rapporte le journal britannique. Au lendemain de la publication de l’article, Barclays a arrêté — au moins temporairement — sa phase de test.

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Barclays s’intéresse beaucoup à ce qu’il se passe sur les ordinateurs de ses employés. // Source : Microsoft

Vous ne travaillez pas assez : suivez le « yoga de travail »

C’est un employé de l’entreprise qui a contacté City A.M., pour mettre en garde le stress extrême causé par le logiciel.  « Les employés ont peur de s’éloigner de leurs bureaux, d’avoir des pauses déjeuner complètes, d’aller aux toilettes ou même de se lever pour aller chercher de l’eau, puisque nous ne sommes pas aux courants des répercussions que ça pourrait avoir sur nos statistiques », raconte-t-il au journal.

En conclusion de son rapport quotidien individualisé, le logiciel avait envoyé une proposition de « yoga de travail » à un employé. En cause : la veille, il n’avait pas passé assez de temps dans la « zone », le terme utilisé par le logiciel pour désigner temps de travail productif. Cet étrange avertissement s’accompagnait d’astuces : passer le smartphone en silencieux, désactiver les emails, ou encore éviter de faire des pauses de plus de 20 minutes plus d’une fois par jour.

Ce logiciel, au mieux très maladroit et au pire cauchemardesque, est créé par l’entreprise Sapience Analytics, une entreprise indienne qui a relocalisé son siège social aux États-Unis en 2017. Sur son site, Sapience explique que son logiciel offre « une visibilité sans précédent sur comment les personnes travaillent, avec des aperçus pour mieux gérer les coûts et les performances entre les différentes équipes. » Leur slogan, « Big data, not Big Brother » démontre leur connaissance des craintes envers leur technologie. L’entreprise revendique 90 clients dans 18 pays (en Espagne, au Royaume-Uni, mais pas en France). La division dans laquelle le logiciel a été déployé a dégagé en 2019 des bénéfices en hausse.

Barclays va arrêter le suivi individualisé, mais pas le suivi tout court

Le porte-parole de Barclays interrogé par City A.M. a confirmé l’implémentation du logiciel, mais nuancé son usage : « Ce type de technologie est largement utilisé dans notre industrie pour aider à identifier ce qui fonctionne, ainsi que les points que nous pourrions améliorer. Le bien-être de nos collègues est d’une importance capitale, et ils sont libres de prendre des pauses quand ils le souhaitent. » Ils ont également précisé qu’ils seraient à l’écoute des retours de leurs employés sur cette phase de test. Le lendemain de la publication de l’enquête, Barclays mettait fin au test du logiciel, le temps de faire des ajustements. Il déclarait : « nous avons pris les mesures nécessaires pour nous assurer qu’aucune donnée individuelle n’est visible par les managers ».

Barclays s’était déjà fait épingler en 2017 à cause de l’usage de OccupEyes, des capteurs de mouvements qui évaluaient le temps passé par les employés à leurs bureaux.


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